19 énoncés de méthode pour comprendre le monde

1

Arrêter de se prendre soi-même pour un idiot, les autres pour des idiots.

2

L’idée que les hommes sont mûs par leur seul intérêt personnel est l’argument des égoïstes qui parlent par intérêt personnel.

3

L’idée de la naturalité des rapports sociaux — celle selon laquelle les rapports de domination « retombent » en place, comme tirés fatalement par une espèce de force de gravité, peu importe la configuration sociale — est une sottise.

4

L’homme n’est hostile à l’homme, et par conséquent l’homme hostile à la nature et la nature hostile à l’homme, que dans la mesure où les forces productives et les moyens de production — c’est-à-dire ce qui détermine et conditionne l’activité humaine — se sont développés historiquement sur la base de rapports de domination et d’exploitation.

5

Les économistes bourgeois classiques — qui font toujours autorité de nos jours — n’expliquent le développement des forces productives — et conséquemment des rapports sociaux, ou rapports d’échange — par l’intérêt égoïste que parce qu’ils sont historiquement les représentants idéologiques d’une classe sociale qui bénéficie des rapports de domination et d’exploitation et parlent effectivement, non seulement par intérêt personnel, mais aussi pour l’intérêt général de la classe sociale dominante qu’ils représentent et leur procure des avantages.

6

L’idée d’un échange qui ne soit un échange contre une contrepartie de valeur égale ne peut venir à l’esprit de l’économiste bourgeois : le don, gratuit et sans contrepartie, n’a pas sa place dans un système économique basé sur l’exploitation du travail, ni dans le système idéologique chargé de justifier un tel système.

7

La domination économique, loin d’être naturelle, n’est rendue possible que par l’idée, toute juridique, que le propriétaire des moyens de production est de facto également propriétaire du produit du travailleur — c’est là l’essence conceptuelle, juridique et non naturelle, des rapports d’exploitation.

8

En réalité, il n’y a à l’heure actuelle que deux classes économiques et sociales : une classe dominante, qui possède, contrôle et dirige l’ensemble des moyens de production et, donc, l’ensemble de l’activité humaine ; et une classe dominée, privée de moyens de production, dépossédée de tout contrôle sur son activité sociale et du produit même de son activité, dorénavant réduite au travail salarié.

9

L’argent n’est pas seulement un moyen d’échange, un étalon de valeur et un moyen de thésaurisation ; c’est avant tout un rapport social qui, par essence, est un rapport d’aliénation.

10

La vie, l’activité vitale, le développement de la totalité de l’humanité sont désormais entièrement subordonnés et surdéterminés par l’argent. Toutes les nations du monde, indépendemment de leur volonté, sont soumises à sa dictature — et ce, peu importe le régime politique.

11

Comment expliquer qu’une telle chose que l’argent prenne autant d’importance dans nos vies sans que virtuellement personne ne comprenne ni ne cherche à comprendre ses déterminations essentielles ? Se poser la question, c’est déjà comprendre beaucoup.

12

« L’ignorance, c’est la force. »

13

Allons-y de quelques considérations philosophiques. Nous verrons qu’il en était, dès le départ, déjà question. Les idées, le concept, l’abstraction existent. On peut même leur reconnaître une certaine matérialité pratique : activité neuronale, créations culturelles, superstructures idéologiques.

14

Mais s’imaginer que ce sont les idées qui font le monde, c’est comprendre la réalité à l’envers. Les idées, de tout temps, n’ont jamais été qu’un produit de la réalité objective, matérielle. Il faut comprendre cela pour pouvoir saisir la matérialité pratique de la pensée.

15

Chaque époque historique n’a jamais produit que les idées correspondant au mode de production matériel, objectif de cette époque.

16

Comprendre le monde, c’est penser la réalité objective, matérielle, historique du monde dans son rapport avec la pensée, c’est penser la pensée même dans son rapport objectif, matériel, historique au monde.

17

Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de nouvelles idées, mais de compréhension radicale : celle qui ne se contente pas des apparences, de la surface des phénomènes, mais qui va à la racine essentielle des choses.

18

Le conspirationnisme, qui s’imagine que ce sont des personnes qui décident de la marche du monde, est un idéalisme. Il y a certes des sectes Illuminati, des francs-maçons, des Bielderberg, des tri-latérales, des mafias, des États profonds et des lobbies, tout cela peut être vérifié, tout autant que les trucages médiatiques, les manipulations bancaires et financières, l’implication des services secrets dans les attentats terroristes, une dominance juive dans la finance cosmopolite internationale. Mais ce ne sont là que des effets de surface de déterminations matérielles et objectives beaucoup plus profondes. Prendre les effets pour les causes, c’est peut-être conceptuellement beaucoup plus commode, mais c’est, encore une fois, comprendre le monde à l’envers.

19

Comprendre le monde, ce n’est pas simple. Le monde n’est pas simple. Le monde est vaste et complexe. Il est plein de contradictions. Pour comprendre le monde, il faut s’atteler à la tâche de saisir sa complexité d’ensemble, il faut entreprendre de saisir la réalité de son développement historique dans le mouvement de ses contradictions. Cela requiert un certain effort personnel.

Rédigé le 8 janvier 2020, publié ou mis à jour le 22 mars 2021.

Published by Nicolas

Nous proclamons l'immédiateté de l'avenir™.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *