Et si j’essayais de résumer ma perception de mon propre découragement ? Je crois, quand on regarde l’état du monde, que le découragement est inévitable ; manifestement, il se terre à chaque recoin de réalité qui accède à ta conscience ; en fait, la somme de détresse du monde ne pourrait être supportable à nul mortel — du moins, pas tout d’un coup. Or, nous ne sommes pas seuls, heureusement, et probablement que s’il était partagé en parts égales, le désespoir mondial serait quotidiennement tolérable, étant donné justement la perspective d’un tel partage, ie. de l’empathie envers son prochain que ce partage impliquerait. Ce n’est donc pas la haine (manifestation ultime, en dernière instance, de tout parti-pris idéologique), mais l’amour qui peut transformer le monde de sorte à rendre celui-ci habitable, de sorte à transformer définitivement le désespoir en espoir.
Je poursuis ma litanie sur le désespoir : tu te sens parfois « à terre », tu « touches le fond », tu sens « tout le poids de ton existence » ? Bravo, tu apprends à marcher dans le réel. Continue d’avancer, raffermis ta marche, et ça deviendra comme une seconde nature. Les psychanalystes du système voudraient que tu continues de « flotter », sans jamais poser un pied devant l’autre, et t’affublent d’épithètes tels que « dépressif », « bipolaire ». Mais en fait t’es juste un pauvre bougre qui prend conscience de la détresse du monde, mais si tu t’acharnes à continuer, tu ne peux pas imaginer jusqu’où tu peux aller. Alors continue, encaisse et avance sans broncher.
Y’a beaucoup de trucs qui vont être révélés progressivement ; ceux qui s’obstinent à croire que tout le monde il est gentil risquent de pogner un sacrée débarque. En ce sens, je considère que la somme cumulée de mes désespoirs constitue ma longueur d’avance sur ce qu’ils s’apprêtent à recevoir d’un coup dans la pêche. Pas sûr que moi-même j’y survivrais.
Extrait d’un clavardage avec un bon ami.