En réponse à Aux yeux de la philosophie dialectique, rien n’est établi pour toujours, rien n’est sacré d’Antoine Manessis.
Je ne suis ni un exégète de Marx, ni particulièrement informé sur le destin du PC de France, n’étant pas Français. Mais il me semble reconnaître dans cet état des faits une rengaine qui ne date pas d’hier.
Jamais la classe ouvrière ne se ralliera autour d’un projet communiste en prenant pour direction un parti lui-même intérieurement divisé. Comment la division intérieure pourrait ne pas résulter en divisions extérieures ? Il m’apparaît que le problème du PC tient à ce qu’il s’attache à une structure de parti d’une époque désormais révolue. Pour employer une formule hégélienne, le temps est peut-être venu pour le PC de « sortir de lui-même » pour enfin « revenir à lui-même », sur un niveau supérieur. Autrement dit, le parti « en soi », s’il demeure à ce niveau, est condamné à errer.
S’il faut rallier, alors il faut rallier autour d’une base théorique commune et solide, et mettre de côté un instant les querelles de chapelles stériles. Or cette base essentielle existe, de toute évidence, et s’avère d’une solidité implacable : l’analyse économique de Marx, des contradictions du capital et de son éventuelle auto-invalidation, se réalise pleinement sous nos yeux en ce moment même. Plus que souhaitable, la large diffusion de la compréhension marxiste redevient aujourd’hui nécessaire pour atteindre à la conscience de classe et espérer sortir de cette crise. La résolution de cette crise totale ne viendra pas de la classe capitaliste, mais de la classe exploitée elle-même. Voilà, il me semble, la clé de voûte de la doctrine marxiste : « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Le projet communiste concerne ultimement l’ensemble des humains : il dépasse largement le champ d’action d’un seul parti politique. Or voilà ce que les communistes — peu importe le parti — doivent chercher à faire : rallier la totalité des humains. Et si cela ne peut se faire en faisant entrer tous les humains dans un parti, c’est au parti qu’il appartient de sortir de lui-même et d’aller vers l’ensemble des humains.
Le regretté Lucien Sève, dans ses dernières années, indiquait une voie à suivre qui est pleine de bon sens : répertorier minutieusement chacune des initiatives, à tous les niveaux envisageables, qui vont déjà dans le sens du communisme, pour y prêter éventuellement main forte et en faire au passage une critique constructive sur la base de la connaissance critique marxiste. Si le parti s’attelait à cette vaste tâche — de façon non-exclusive et sans chantage politique : en acceptant de collaborer ouvertement avec tous ceux qui y travaillent déjà, qu’ils se considèrent ou non communistes –, non seulement cela lui permettrait de sortir de lui-même et de ses querelles théoriques insolubles, mais il trouverait nécessairement une foule d’opportunités de mobiliser ses ressources pour contribuer concrètement au développement effectif d’une force communiste beaucoup plus large et populaire. En toute logique, les nécessités réelles rencontrées sur le terrain prendront le pas sur tous les présupposés théoriques, et c’est à ce moment que la théorie pourra révéler pleinement toute sa richesse pratique.
Les contradictions du capitalisme ne peuvent que devenir de plus en plus sensibles dans les années qui viennent. Or seule la critique marxiste fournit les outils théoriques nécessaires pour les comprendre. Voilà ce qui importe.